Le Président du Mali par
intérim, Dioncounda Traoré,
est de retour au pays depuis hier. Autant dire que le problème n° 1 des maliens
est réactivé. Quand, comme votre serviteur, on a séjourné tout récemment dans
ce grand pays pendant près de trois semaines, on ne peut se poser qu’une
question : comment les maliens vont-ils s’accommoder de la remise en selle de
l’homme politique qu’ils détestent le plus ?
Au demeurant, il serait tout
aussi légitime de se demander comment cet homme a-t-il pu cristalliser autant
d’antipathie et de défiance de la part
d’un peuple dont il a pourtant dirigé l’institution la plus représentative des
maliens : le parlement ? A ce propos, justement, 4 maliens sur cinq vous
assurent que c’est par un concours de circonstances absolument imprévu qu’il
s’est retrouvé au perchoir de l’assemblée Nationale. Quant au choix porté sur
lui comme Président p.i., il ne le doit qu’aux « intrigues » des
Présidents Alassane Dramane Ouattara[1]
et Blaise Compaoré qui sont accusés de
jouer, chacun de son côté, « une partition personnelle et
intéressée » dans le concert cacophonique des « décisions et
contre-décisions incompréhensives de la CEDEAO ».
De loin, je me suis étonné de
constater la facilité avec laquelle un Chef d’Etat, fut-il intérimaire, pouvait
être coincé dans son palais et bastonné copieusement par des jeunes excités,
sans réaction de la part de sa garde rapprochée ( ?!). Le plus étonnant
c’est que, visiblement, ces agresseurs n’étaient même pas venus pour tuer. On
cherchait juste à « intimider » et « humilier » un homme
pour lui enlever l’essentiel de sa dignité et de son envie d’exercer un pouvoir
« indûment obtenu ». Contre toute attente, l’homme se révèle tenace
dans sa volonté de rester à la barre et de prendre sa revanche sur une
population qui le déteste au plus haut point et à qui, probablement, il rend
bien ce sentiment.
Aujourd’hui qu’il rentre au
pays c’est, paradoxalement, une autre personnalité qui a toujours joui d’un
profond respect et d’une grande admiration de la part des maliens voire,
au-delà, de tous les fils et filles d’Afrique, qui semble tomber en disgrâce. Cheikh Modibo DIARRA, pour ne pas le
nommer, a peut-être eu le tort de vouer à son Chef d’Etat un respect que la
plupart des maliens lui refusent. Il faut en effet croire qu’à force de donner
du « Monsieur le Président de la
République » à longueur de discours, et à force de se référer à
‘’l’autorité’’ de Dioncounda pour tout ce qu’il faisait, lui, le Premier Ministre aux ‘’pleins pouvoirs’’[2],
allant jusqu’à lui offrir la paternité des bonnes initiatives qu’il prenait, le
génial retraité de la NASA s’est proprement disqualifié. Alors question :
les nombreux barbouzes qui peuplent en cette période les palaces bamakois
ont-ils misé sur ces petites maladresses pour construire dans l’opinion
publique malienne une réputation ‘’d’inconditionnel de Dioncounda’’ à Cheikh Modibo, en sachant que ceci serait fatal
au PM ? On peut le croire quand on observe la manière dont, avec le retour
à la maison du Président le plus protégé d’Afrique de l’Ouest, la presse
occidentale a préparé les maliens au rejet de leur PM. Quel gâchis quand même
pour ce brillant intellectuel qui aurait pu valablement prétendre un jour à la
direction suprême de son pays, tant le mythe qu’il incarnait était
puissant ! Mais peut-être n’a-t-il pas dit son dernier mot…
Quoi qu’il en soit, il semble clair que l’homme fort de Bamako, le Capitaine Amadou Haya Sanogo et sa junte, d’une part et, d’autre part, les partisans du Chef de l’Etat, regroupés dans un front anti-putsch suffisamment informé des nouveaux enjeux, ont entamé depuis hier une lutte feutrée pour le contrôle effectif du pouvoir, autour de celui que les français ont préparé pour jouer un rôle certes discret mais déterminant. Lequel ? L’avenir nous le dira.
En attendant, les maliens attendent avec impatience de prendre connaissance de ce fameux Gouvernement d’Union national sensé apporter la solution à l’occupation du Nord-Mali. Ce GUN bénéficiera-t-il de plus de crédibilité que le précédent. Par quel bout prendra-t-il la question de la reconquête du Nord ? Quelle part sera accordée à la négociation ? Quoi négocier et avec qui ? Avec quel allié s’engagera-t-on dans l’aventure ? Quel rôle jouera la force de la CEDEAO ? Obtiendra-t-on l’aval de l’ONU pour une intervention armée ? Autant de questions qui renseignent bien sur la complexité de la situation. Il faut juste espérer que les manœuvres intérieures pour contrôler le pouvoir et extérieures pour contrôler le Mali ne conduiront pas au pourrissement d’une situation déjà grosse de danger pour toute la sous-région et, au-delà, pour la sécurité du monde.
serigne malick
[1]
D’après les maliens avertis, ADO, comme l’appellent ses supporters ivoiriens,
s’est donné pour mission de manœuvrer pour ramener le Mali, considéré trop
nationaliste, dans le giron et sous le contrôle de la France. Au vu de
l’évolution de la situation, il semble ya avoir réussi.
[2]
Au moment de la nomination de Cheikh Modibo DIARRA, l’option retenue par la CEDEAO
était bien d’en faire un PM aux pleins pouvoirs, ce qui n’a point été respecté
puisque Dioncounda est resté au centre du dispositif de Ouattara et Cie.
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